LE TOURISME, NOUVEL ESSOR POUR NOTRE MARTINIQUE
UN PETIT RETOUR EN ARRIÈRE... L'EXOTISME AVANT LE TOURISME
En 1946, la Martinique sort d’un statut politique qui ne lui donnait aucune possibilité de s’ouvrir au monde caribéen. En effet, colonie de la France depuis 1635, elle était soumise à l’Exclusif, système commercial qui ne lui permettait pas d’établir des liens économiques avec les territoires étrangers. Sortie donc de cette torpeur, la Martinique devient une destination méconnue du public mondial.
Eaux turquoise, sable blanc, produits locaux sortant de l’ordinaire quotidien de l’Europe, la Martinique devient progressivement un territoire attractif mais exotique. Mouvement artistique né au XVIIe siècle, l’exotisme désigne le « lointain », « l’étrangeté ». En effet, ce mouvement est né avec la découverte des Amériques. D’ailleurs, lors de cette découverte, les Européens ont été choqué par le mode de vie des habitants peuplant ces territoires. Mayas, Aztèques, Kalinagos… Avaient tous une particularité culturelle, différant de celle du continent européen. Progressivement l’exotisme laisse la place à la peur de la différence, au discours colonialiste, à l’esclavage et aux cabinets de curiosité qui recèlent des trésors de contrées lointaines exposés comme des trophées.
Peu à peu, cet exotisme devient un concept qui englobe les us et les coutumes des pays au climat tropical. Effectivement, au XIXe siècle, ce mot change de sens pour désigner des mœurs et des objets d’art. L’exotisme éveille alors tous les sens : la vue avec les décors ou les paysages exotiques, l’odorat avec les parfums exotiques, l’ouïe avec les instruments exotiques, le goût avec les mets exotiques. Ce concept prend un énorme tournant au XIXe-XXe siècles car il constitue une invitation au voyage et à découvrir les territoires français, ces territoires intertropicaux. Il pousse progressivement les curieux voyageurs à explorer ces contrées et constitue, par la même occasion, l’un des vecteurs de développement du tourisme international.
En effet, la mondialisation semble avoir produit de l’exotisme car il est un l’un des moteurs du tourisme international. De ce fait, les touristes se déplacent pour rencontrer les « objets exotiques » des pays des régions chaudes et espèrent trouver un paysage outre que leurs pays d’origine.
Ainsi, les guides touristiques de Martinique, à cette époque, sont teintées de clichés doudouistes, dans lesquels les Martiniquaises sont habillées en « matador » (en tenue de madras traditionnelle) pour séduire les touristes à succomber à leurs charmes avec ses produits phares (notamment le rhum). Il n’y a aucune perception culturelle et les propos restent malheureusement « vitrines ». La Culture de la Martinique est donc dépeinte à travers ces tableaux coloniaux, véritables propagandes pour étendre l’influence européenne. Or, la Culture locale n’est pas que ces concepts exotiques fabriqués. Il est temps de faire place à un tourisme authentique et non exotique.
Palmiers sur Martinique, Paul Gauguin, 1887
https://aica-sc.net/2018/10/06/gauguin-et-laval-en-martinique/
LE TOURISME COMME "VECTEUR CULTUREL"
La fin des années 1950 marque en Martinique, un épisode de rupture. En effet, nous sommes dans une situation politique est assez délicate et en début de l’année 1956, la population, et surtout les communistes locaux, sont arrivés à la conclusion que le statut départemental « devrait être dépassé car, après dix ans de fonctionnement, il n’avait pas permis aux DOM d’accéder à l’égalité des droits »1. Nous sommes en pleine une phase de contestation.
C’est alors dans ce contexte socio-politique que la cartographie muséale de Martinique change et évolue avec la création de nouveaux musées. Il existe un, en particulier, qui a été créé dans le but d’impulser un tourisme culturel en Martinique. Il s’agit du Musée de la Pagerie, l’un des premiers musées martiniquais, fondé par Robert Rose-Rosette, vétérinaire de formation. Représentant l’un des pionniers de l’archéologie industrielle, son musée impulse un dynamisme touristique dans le sud de l’île. Conscient du potentiel touristique de son île, Robert Rose-Rosette et ses compatriotes mette cette problématique au cœur des débats. Ainsi, en 1955 par la préfecture, a été créé l’Office Départementale du Tourisme de la Martinique (ODTM) qui avait pour principale mission de promouvoir l’image de la Martinique à l’extérieur.
1 SEFIL, Marc, Evolution institutionnelle et politique des Antilles, Pointe-à-Pitre, Ibis Rouge, 2003, p. 160.
Robert Rose-Rosette élevé au grade de commandeur de la légion d'Honneur avec son épouse et Louis Le Pensec ancien Ministre des DOM-TOM. • ©Robert Rose-Rosette passion Martinique
https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/robert-rose-rosette-mis-honneur-467471.html
Il faudra attendre l’année 1985 pour voir la fondation de l’Agence Régionale de Développement Touristique de la Martinique (ARDTM) – qui est impulsée par l’année du Patrimoine en 1980 et la mise en place du Conseil Régional par la loi de décentralisation de 1983. Installée le 11 juin 1985 et inaugurée en février 1986, cette agence a pour mission de développer et de promouvoir le secteur touristique dans l’île. Son principal objectif est de mettre en œuvre et d’assurer le suivi de la politique du Conseil régional en matière de tourisme. Cet organisme se charge particulièrement des études statistiques et économiques ainsi que de l’instruction des dossiers d’aides régionales au tourisme.
Pour souligner cette politique de valorisation culturelle, son premier président, Monsieur Philippe Saint-Cyr déclare, en 1987 : « Il faut définir les meilleures formes de tourisme à développer, il faut aussi déterminer les zones géographiques qui doivent être affectées au tourisme et avoir toujours le souci constant de préserver l’environnement social et physique ». Le Conseil régional a donc doté la Martinique d’un organisme chargé de mettre en place une véritable politique de développement touristique qui s’appuie sur une forte revendication identitaire martiniquaise.
Nous sommes alors loin de l’exotisme qui générait des clichés autour de la Culture martiniquaise. Équipée d’organismes spécialisés dans le développement touristique, la Martinique va peu à peu entrer sur la scène touristique internationale et proposer des activités autour de la valorisation de son identité.
SOURCES :
- BRETON, Jean-Marie, L'écotourisme: un nouveau défi pour la Caraïbe, KARTHALA Editions, Paris, 2001.
- LOGOSSAH, Kinvi et SALMON Jean-Michel, Tourisme et développement durable: actes du colloque du Ceregmia, Schoelcher, 25-26 septembre 2003, Editions Publibook, Paris, 2005.
- SEFIL, Marc, Evolution institutionnelle et politique des Antilles, Pointe-à-Pitre, Ibis Rouge, 2003.
- MOUTAMALLE, Mélody, Mémoire de Master 2 sous la direction de Madame Monique Milia Marie-Luce, Maître de conférences, en Histoire contemporaine, Regard sur le Patrimoine martiniquais : la politique muséale du Conseil général et du Conseil régional (de l’Après-guerre à 1999), Université des Antilles Faculté des Lettres et Sciences Humaines (ou DPLSH) – Master Histoire et Patrimoine des mondes caribéens et guyanais Groupe de recherche Archéologie industrielle, Histoire, Patrimoine (AIHP) – Équipe d’accueil 929, Années de soutenance : 2015-2016.
- LE TOURISME DANS L’OUTRE-MER FRANÇAIS DIRECTION DU TOURISME Département de la Stratégie, de la Prospective, de l’Évaluation et des Statistiques Novembre 2008 (https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/etudes/tourisme/tourisme-outre-mer-2008.pdf)